Que dit la loi contre les discriminations russophobes 

 

La discrimination en raison de l’origine ou des opinions politiques

La Revue franco-russe Perspective, N 3 (186) de mars 2022 a consacré tout un article juridique de conseils pour se défendre contre les discriminations russophobes de plus en plus fréquentes. Voici cet article avec nos remerciements  

    Le conflit militaire en Ukraine a eu un impact négatif important sur les personnes d’origine russe ou perçues comme telles vivant à l’étranger, et notamment en France. En effet, le discours médiatique ouvertement antirusse a pour effet d’alimenter la confusion et d’étendre les attitudes hostiles non seulement aux nationaux russes, mais également à toutes personnes parlant au quotidien la langue russe, dont de nombreux Ukrainiens.

 

Il faut tout d’abord comprendre que toute attitude hostile ou discriminatoire basée sur l’origine ainsi que sur les opinions politiques, réelles ou supposées, est sanctionnée par la loi. La référence aux origines ethniques constitue une circonstance aggravante.

Que dit la loi ?

La notion de discrimination est définie par l’article 1er de la Loi française n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations :

  • « Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, de son état de santé, de sa perte d’autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable. 

  • Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés. »

    Le Code de travail français, dans son article L1132-1, fait expressément référence au texte précité : « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. »

    La discrimination constitue également une infraction pénale, au sens de l’article 225-2, al. 1 du Code pénal : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée. »

    Il est très important de souligner que ces mêmes critères opèrent également pour protéger des discriminations des personnes morales, y compris les associations, au sens de l’article 225-2, al.2 du Code pénal, lorsque les discriminations sont opérés notamment sur le fondement de l’origine, du patronyme, des opinions politiques, de la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de l’appartenance vraie ou supposée à une ethnie ou une Nation des membres ou de certains membres de ces personnes morales.

   Les discriminations ainsi définies constituent un délit pénal, puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, sur le fondement de l’article 225-2 du Code pénal, lorsqu’elle consiste, entre autres, à refuser la fourniture d’un bien ou d’un service, entraver l’exercice normal d’une activité économique, refuser d’embaucher, sanctionner ou licencier une personne.

   Il est également précisé par le texte précité que lorsque le refus discriminatoire est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d’en interdire l’accès, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.

  La lutte contre les discriminations a également pour conséquence que lorsqu’une infraction (notamment, menace, injure, etc) est commise « à raison de l’appartenance ou de la non appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée », ceci constitue une circonstance aggravante, au sens de l’article 132-76 du Code pénal.

   Cette circonstance aggravante est constituée « lorsque l’infraction est précédée, accompagnée ou suivie de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime ou d’un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. »

Que faire ?

Lorsqu’on est victime un comportement à caractère discriminatoire ou des infractions fondées, notamment, sur les origines réelles ou supposées de la victime, il est important de garder à l’esprit qu’il s’agit d’un acte hautement répréhensible et que la loi est du côté de la victime.

Lorsqu’on est victime de discriminations au travail

Dans le secteur privé, si le comportement discriminatoire provient de sa hiérarchie, il faut signaler les faits par écrit aux représentants du personnel et au comité social et économique (CSE).

Il est également possible de saisir le Conseil des prud’hommes pour régler tout confit en cas de discrimination.

Dans le secteur public, dans chaque administration il existe un dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel et des agissements sexistes dans la fonction publique.

Sur le plan pénal, il ne faut pas hésiter de déposer plainte qui ne peut pas être refusée.

Enfin, il est également possible de saisir le Défenseur des droits en s’adressant à son délégué territorial via le site :

https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/saisir/delegues

   Si un comportement discriminatoire ou injurieux en raison de l’origine ethnique ou de la langue parlée émane d’un autre employé, il faut avant tout en informer par écrit sa hiérarchie, puis agir comme décrit ci-après.

Lorsqu’on est victime d’une injure

   La notion de l’injure est définie par l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : « Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure. »

    L’injure est considérée comme publique lorsqu’elle peut être entendue ou lue par un public : notamment, il s’agit de propos tenus sur les réseaux sociaux sur un compte accessible à tous, ou sur un site internet.

    L’injure peut également être non publique, notamment lorsqu’elle est adressée à la personne dans un sms, ou via un réseau social accessible à un nombre restreint d’« amis », ou dans le cadre d’une relation professionnelle, mais même dans ce cas-là l’injure est sanctionnée par les dispositions du Code pénal.

    Lorsqu’on est victime d’une injure sur les réseaux sociaux (publication ou commentaire), le premier réflexe est de conserver les preuves : faire des captures d’écrans, ou dans l’idéal faire constater le contenu par un huissier de justice.

   Ensuite, il est possible de demander le retrait de la publication au responsable du site ou à l’hébergeur (dont les coordonnées sont indiquées sur chaque site), chaque hébergeur ayant ses propres procédures généralement.

   Si la publication n’est pas retirée selon la procédure de l’hébergeur, il faut d’abord lui faire un signalement par une lettre recommandée avec accusé de réception, de manière la plus précise possible.

   Si le responsable du site ou l’hébergeur ne supprime pas rapidement le contenu, il est possible de porter plainte contre lui pour l’infraction concernée.

   En parallèle, il est nécessaire de porter plainte contre l’auteur des faits, à la police ou la gendarmerie, ou directement auprès du Procureur de la République, et ceci même si l’identité est inconnue (publication sous un pseudonyme), dans ces cas-là, la plainte est portée « contre X ».

    Il est très important d’être en mesure de présenter les preuves de l’infraction (captures d’écran ou messages, dans l’idéal constatés par un huissier).

   Pour rappel, le caractère discriminatoire de l’injure (notamment, lorsqu’elle est commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une nation) est considéré comme une circonstance aggravante, ce qui a pour conséquence, premièrement, l’allongement du délai de prescription pour pouvoir la signaler (1 an, au lieu de 3 mois à compter de son apparition), mais aussi les peines plus lourdes.

   Dans tous les cas, il est important de ne pas laisser sans conséquences toute manifestation hostile à caractère discriminatoire, ou encore, toute provocation à la discrimination ou à la haine, qu’elles soient publiques ou privées.

 

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